2. Journal de bord n°1 Mai

03/05/16
Je suis en semaine de révision pour Sciences Po mais étant donné le peu de révision à effectuer (je ne suis pas inquiet pour la validation de mon année), je prends du temps pour ma recherche. Je viens de mettre en pratique une idée qui avait germée il y a longtemps dans mon esprit mais que Niel et Jil, des amis, ont ravivé il y a quelques jours : tenir un journal de bord afin de rendre compte aussi de l’aspect réflexif/émotif de la recherche. Voici donc la première entrée.
Je travaille aujourd’hui sur un point de méthodologie épistémologique : l’induction. J’essaye de déterminer s’il peut s’agir d’une bonne méthode, sachant que la déduction présente de lourds inconvénients. Je m’appuie pour cela sur l’incroyable ouvrage de Boudot, Logique inductive et probabilité. Malgré une recherche perturbée par divers activités campagnardes (tonte de pelouse, plantation de cerisier…) le livre de Boudot est passionnant. Je remplis petit à petit mon cahier des charges. Difficile d’avancer suffisamment vite.
04/05/16
Ce matin, il s’agit de travailler 2 heures sur le livre passionnant de Boudot. J’espère passer un jour à la rédaction de mon deuxième article sur les langages ! N’oublions pas qu’il me reste à étudier tous les fondements culturels et spirituels de pays où je vais. Quoique cette démarche soit encore à débattre… J’ai le ventre plein des brioches de maman, position avantageuse pour produire un travail de qualité !
07/05/16
Je n’ai pas été très assidu sur mon journal cette semaine pourtant j’ai bien avancé ma recherche. Toujours dans l’anthropologie, avec des ouverture sur l’heuristique. Phénomène passionnant du bootstrap pour illustrer le problèmes de fondements de la science. Période d’examen à Sciences Po d’où esprit pas totalement libre.
Besoin d’avancer plus mais difficulté à faire des synthèses de tout ce que je brasse. Essentiel pourtant. Il commence à devenir urgent que je réalise la mindmap de ma démarche de raisonnement générale articulée.
10/05/16
Je sors d’un long weekend avec mes amis de sciences po. Je n’ai pas pu travailler à ma recherche et je suis actuellement dans un état de fatigue extrême mais il faut que j’avance. Je commence vraiment à culpabiliser de ne pas avancer plus vite. Je n’arrive pas à tenir mes planning car les sujets étudiés m’emmènent trop loin. Je voudrais vraiment commencer l’article sur les formes de discours.
Je pense que je vais opter pour un format d’article particulier, qui s’approchera plus d’une liste des atouts et limites nécessaires des discours analysés.
Tentative de planning : demain, je commence la liste en question par l’analyse des potentiels et limites du discours scientifique. A la fin de la semaine, j’ai terminé mon deuxième article sur le langage. Je vous prends à témoin d’y parvenir.
11/05/16
Aujourd’hui je termine le livre sur l’induction et les probabilités. Je viens de lire, pour faire une pause, un article sur l’absurde de Camus. Quand je lis un extrait du livre que j’étudie : « au lieu de considérer simplement la suite des vérifications effectuées, on peut constituer un fragment de treillis, chaque ligne correspond à un type de vérification déterminé », je me dis que l’absurde est partout. On cherche à fonder la connaissance et la fonder c’est l’étendre car il s’agit de faire passer l’inconnu dans le connu. Quelle est la motivation de cette démarche ? Il faut, pour l’entreprendre, se confronter à l’inconnu tout en éprouvant envers lui une forte aversion (et donc avoir envie de le rendre connu). Mais si l’inconnu résiste trop, si l’on comprend soudain qu’il est impossible de s’en libérer, alors l’absurde apparaît et le suicide face à l’impossibilité de donner rationnellement un sens à l’existence devient la conséquence d’une extrême lucidité (et non d’une folie).
Cet après-midi, je commence par travailler pour colibris puis je me replonge dans mon livre pour ma recherche. La liste des limites et potentiels sera pour demain !
12/05/16
Ok, même si j’ai pas terminé le livre, je veux faire une séance de synthèse des pouvoirs/limites du langage. Je vais voir quelle forme ça peut prendre ensuite. 1h30 heure de ça puis 1 heure de livre. Ensuite go pour colibris l’aprem.
Je me sens bien quoiqu’un peu morose car je manque de perspectives à court terme. Je vais remplir mon planning.
17/05/16
Depuis quelques jours j’ai réussi à établir un bon rythme de travail, de 9h à 12h le matin et en fin d’après-midi. Le milieu d’après-midi est consacré aux travaux pratiques de mon association colibris. Je me sens très bien.
J’ai donc travaillé presque chaque jour à ma recherche et j’ai bien avancé mon deuxième article, j’ai écrit trois petites parties. Je doute cependant beaucoup de sa pertinence, tant les problèmes abordés semblent triviaux et manquent de référence. Pour dire vrai, je ne suis pas très satisfait de mon travail. Je peine à trouver de l’inspiration dans les infos que j’ai accumulé dans la phase de documentation et mes propos manquent pour le moment de références. Cela viendra je pense dans un second temps, comme ce fut le cas pour mon premier article.
J’attaque ce matin le résumé de mon premier article. J’espère ensuite être capable de construire cette fameuse mindmap. Le problème étant de ne pas mélanger les thématiques que je compte aborder. Il faudrait que je prenne l’initiative de lister les notions philosophale maxima (les plus importantes) et que j’accroche tout ça sur les murs de ma chambre en organisant en réseau. Je fais ça cet aprem après colibris. Ce soir je continue le livre proba.
18/05/16
Ce matin j’ai décidé de faire un deuxième article qui développe ce que j’ai abordé dans le premier article qui finalement semble très brouillon tant j’aborde des sujets disparates de manière un peu superficielle. Je vais faire la synthèse rigoureuse de ces deux premiers articles pour permettre aux lecteurs d’aller à l’essentiel et me lancer dans un quatrième qui pourra enfin critiquer la démarche scientifique.
Là dans l’immédiat j’attaque le quatrième article.
19/05/16
Je suis bien plus en forme qu’hier (repos oblige, il n’y a pas photo). Je vais donc attaquer le quatrième article qui étudie les discours et notamment le discours scientifique. Je viens aussi de terminer l’introduction du deuxième article. Le troisième étant une simple synthèse des deux premiers. Il est 10h. C’est parti. Sur le plan de la méthode, je vais tenter d’être plus rigoureux, c’est à dire de poser une question, formuler une hypothèse et fouiller dans ma doc pour des pistes de réponse.
24/05/16
J’ai été peu assidu à mon journal, mais cela ne signifie pas que je n’ai rien foutu pour ma recherche, au contraire ! Contrairement à la dernière fois où je suis sorti, j’ai réussi à très bien gérer le contre coup de fatigue. Ma méthode de gestion ? Etre moins exigeant envers moi-même sur la journée. Travailler plus modeste.
Ma recherche avance bien. J’ai quasiment terminé ma partie d’étude de l’épistémologie. Il me faut encore considérer les ressources très philo que j’ai amassé sur le sujet. Je pense que comme pour le langage, je vais faire un article à part. J’ai réussi à synthétiser les pages wikipédia et à les croiser tout en apportant ma touche personnelle. C’est intéressant de procéder ainsi, très puissant également.
Ce matin, j’hésite entre attaquer la partie très philo ou continuer sur quelque chose de synthétique, lié au discours religieux ou métaphysique. Je pense que je vais poursuivre sur la synthèse car je suis déjà lancé.
25/05/16
Journée très peu productive hier, malgré un travail de qualité : j’ai perdu, bien que ça ne concerne pas ma recherche, un mois de journal intime (mai). Heureusement il me reste ce journal là. Mais surtout, j’ai perdu par bêtise (perte d’un presse papier) mes 3 heures de travail acharnée autour de la sémiologie dont j’avais reconstitué tout l’historique à partir de l’article de l’universalis. C’est la deuxième fois que cela m’arrive. Pour ne plus subir ce type de problème technique, j’ai installé un logiciel de sauvegarde du pressepapier.
Du coup il me faut recommencer. Je rappelle que mon objectif est de faire rentrer le discours scientifique dans les cases de caractérisation des discours que j’ai créé mais je constate que ces cases sont très mal définies. Donc je dois les redéfinir. Et c’est long. Quand j’aurais fini de préciser leur définition, je les appliquerai au discours scientifique puis seulement je commencerai le discours mythologique (deuxième discours sur ce qui est).
Je constate qu’en avançant dans ma recherche, je me trouve contraint de distinguer des notions que je n’avais pas distingué dans mes écrits précédents et donc potentiellement employées dans un sens contraire à celui que j’obtiens. Je ne souhaite pas modifier mes écrits précédents enfin de laisser apparaître ce travail de filtrage progressif.
26/05/16
Je poursuis le travail de définition plus précise des caractéristiques d’un discours. J’en suis au support du discours et cela me pose beaucoup de difficultés. En effet, il s’agit d’étudier comment voyage l’information et cela me plonge dans les méandres des théories de l’information mais aussi des théories de la complexité, des systèmes, de la logique linéaire, de la compression, de l’entropie, de l’algorithmique, du lambda-calcul, de la logique linéaire, bref autant de disciplines très fondamentales et donc très mathématiques. D’où mes problèmes de compréhension.
Je me pose des questions sur ma capacité à ajouter de l’information voire de la connaissance aux théories existantes. Concrètement, les chercheurs sont arrivés à un niveau théorique tel que pour aller plus loin, il faut passer des années à essayer de comprendre leurs théories. Je n’ai pas la bagage théorique suffisant pour assimiler leurs théories et les développer. Le risque est alors que je m’émerveille d’une théorie qui ne fait que reformuler des théories déjà existantes, donc qui ne crée rien de nouveau. Je peux aussi décider d’appliquer des théories à un domaine qui ne les connaissait pas, mais ça n’est alors plus un travail de création pure.
Le problème principal est que je ne peux pas me situer entre une recherche soumise aux lois de la théorie de l’information et les recherches les plus abouties de ce cadre théorique car alors ma recherche sera nécessairement plus naïve que les théories complexes. Ses fondements logiques seront faibles.
La seule solution alternative que je puisse concevoir est une magie. Autrement-dit une théorie qui s’affranchisse des problèmes inhérents aux contraintes physiques pesant sur l’information. Une théorie qui soit déterminée par d’autres lois. Cependant, dans la mesure où je souhaite pouvoir faire le lien entre le monde physique et le monde autre que je pourrais définir, je ne peux pas ignorer tout à fait le monde physique. Comment échapper à un système avec l’aide de ce seul système ? Ce problème est étudié un peu par la théorie des ensembles, la théorie des catégories, le lambda-calcul… C’est le paradoxe du bootstrap. Faut-il que je me lance dans une licence de mathématiques ?
27/05/16
Je viens d’appeler un professeur de Sciences Po, sinologue ayant vécu plusieurs années en Chine. Il a eu la sincérité et probablement la sagesse de se montrer sceptique vis à vis de ma recherche. J’ai entendu ses remarques, je les partage en grande partie. Cependant, j’ai la conviction de parvenir à resserrer suffisamment ma problématique de manière à rendre ma recherche plus réalisable.
On ne peut je pense exiger de moi que je présente aujourd’hui un projet ficelé de bout en bout. Je suis encore dans une phase de débroussaillage qui me semble essentielle, surtout lorsqu’on s’apprête à voyager d’une civilisation à l’autre… Aussi, ceux qui me suivent doivent, et j’aimerais qu’il en soit autrement, accepter la grande part d’incertitude et d’utopie attachée à mon projet actuel.
Quoi qu’il en soit, j’ai terminé hier ma synthèse des théories de l’information. Je vais ce matin établir les limites de tous les concepts que j’ai soulevé dans mes suites d’articles sur le langage. Je n’ai pas non plus terminé les articles traitant des discours. Cela se soit d’être bouclé rapidement. Je vais dresser également les limites du discours scientifique.
Je dépose ici une idée intéressante : plutôt que de tricher en essayant d’accumuler des références que de toute manière seront insuffisantes, pourquoi ne pas jouer à fond la carte du jeune qui part explorer quelque chose sans filet ? Décision très difficile à prendre. Partir sans filet oui, mais pas dans n’importe quelle direction. Et je joue également la suite de mes études à l’EHESS. Cependant, je déplore le mouvement de spécialisation extrême des sciences actuelles. Faut-il que je m’enferme dedans ? Puis-je me spécialiser dans un champ théorique qui concerne tout ?

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